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BALAOO

— Tu vas te taire, saloperie ! râla Balaoo.

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! sanglota Zoé !… comme il me parle !…

— Pourquoi me parles-tu de ça ? Je ne m’en parle jamais à moi-même, c’est pas pour que tu m’en parles, bien sûr !… Lombard, Camus s’étaient moqués de moi. J’ai joué avec leur gorge et ils sont morts. Je ne regrette rien. Mais Blondel ne m’avait rien fait… Ce soir-là je me suis trompé !

— Et Patrice, alors, t’avait-il fait quelque chose ?…

Balaoo commença, au fond de sa caverne d’anthropopithèque, l’orage. Toute sa poitrine gronda d’un lointain tonnerre…

— Ne me parle jamais de celui-là !… glissa-t-il hors de sa terrible mâchoire.

— Ni de celui-là ni d’elle !… Je sais !… Je sais !…

Zoé renifla, se moucha (toujours dans la robe de l’Impératrice) et dit, dans son désespoir humide :

— Tu nous racontes que tu ne te plais qu’avec nous dans la forêt, tu mens !… Tu ne penses qu’à elle… et, si tu es là, c’est que tu n’oses pas rentrer à ta maison du village, à cause qu’elle te reprocherait ton pendu, car elle croit que c’est ton premier crime, Balaoo !… Si elle savait !… si elle savait !… Je te l’ai vu traîner, celui-là, par les pattes, de la porte du jardin à la forêt. Ah ! t’as fait là une belle besogne et ils seront contents de toi, à ta maison du village. Non, ne me raconte pas d’histoires. Ne me dis pas que tu aimes mes frères, et ce n’est pas la peine de me traiter de saloperie comme Siméon. Tu ne rentres pas parce que tu n’oses pas, voilà tout !…

— C’est vrai ! fit Balaoo, c’est vrai ; mais pour les pendus, je ne regrette que Blondel, ce qui prouve bien que je ne suis pas un méchant garçon !…