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BALAOO

— Qui est-ce qui te dit que tu es un méchant garçon ?

Ils ne se dirent plus rien, mais le docteur Honorat avait tout entendu !

Son fil à la patte, les cheveux dressés d’horreur sur la tête, il avait assisté à cette singulière conversation en se demandant s’il rêvait. Mais, hélas ! depuis qu’on lui avait coupé ses chères petites phalanges, il avait perdu le droit de douter de la réalité de sa formidable aventure. Celle-ci se compliquait d’une révélation inouïe de crimes et de complicité de crimes incroyables pour quelqu’un qui avait vu passer de loin en loin, dans la rue du village, la figure falote et inoffensive de M. Noël, le domestique-jardinier de ce vieil original de Coriolis.

Sans compter qu’il n’avait pu comprendre la plus grande partie de la conversation (justement la partie qui l’intriguait plus que tout le reste) : qu’est-ce qu’ils voulaient dire avec les reproches qu’ils s’adressaient chacun à propos de leur race et de leurs fréquentations de bêtes de la forêt ? Maintenant, M. Noël lui faisait peur comme un monstre et lui apparaissait, avec l’ombre de ses forces rudes et surhumaines découpés par la lune qui était venue se pendre, tel un globe de lampe, au beau milieu de la clairière du Moabit, comme une bête de l’Apocalypse.

Et il eut la force de reculer sa peur accroupie, de cinquante centimètres au moins, ce qui était louable, vu que sa peur n’avait jamais pesé si lourd.

Mais rien ne recule dans la forêt, sans que Balaoo ne l’entende, même quand il n’écoute pas.

— On a bougé ! constata-t-il.

— C’est le docteur ! enseigna Zoé.

— Qu’est-ce qu’ils veulent en faire ? demanda Balaoo, pour dire quelque chose.