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BALAOO

Il est certain que, si Balaoo en avait laissé le temps à M. Herment de Meyrentin, celui-ci eût été séduit comme ! les autres ; mais il ne lui en avait pas laissé le temps.

On comprendra — ceci dit — pourquoi, tout au haut de sa tour, Coriolis pleurait, et pourquoi Madeleine qui, dans la salle à manger, sous la lampe, tâchait à coudre sans y arriver, pleurait dans la petite bannette d’osier où elle rangeait son fil ; et pourquoi la vieille Gertrude, dans sa cuisine, arrosait de ses larmes le cuir à nettoyer les couteaux.

Gertrude ignorait le malheur survenu à un noble étranger en visite chez son cher Noël ; mais, comme on n’avait pas vu Balaoo depuis cinq jours, elle n’était point loin de croire qu’il avait fait un sale coup.

Depuis trois jours surtout, on n’osait plus parler au maître qui s’était enfermé dans sa tour, et Madeleine essuyait ses yeux humides dans tous les coins. Enfin, chose extraordinaire, depuis trois jours on avait défendu à Gertrude de sortir dans le village sous quelque prétexte que ce fût. Bien mieux, toutes les portes de la maison avaient été fermées, quasi barricadées. C’est sur ces entrefaites qu’une nuit on avait entendu des coups de fusils dans le village et qu’une grande lueur avait monté derrière la place de la Mairie. Tant de mystère faisait trembler. Pour Balaoo, Gertrude avait redouté le pire. Son angoisse n’avait pas connu de bornes lorsqu’une après-midi, étant montée dans la chambre de Mademoiselle, elle avait aperçu les routes noires de monde et, dans les champs, se dirigeant vers la forêt, des soldats. On lui avait répondu que c’étaient « les manœuvres ».

Mais tout ceci était loin d’être clair.

Un fait certain était que Balaoo ne revenait point.