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BALAOO

qui ne croient pas au transformisme… A-t-on jamais entendu une stupidité pareille ? Croire que les espèces ne se sont jamais transformées sur la terre ? Mais la terre, elle, est-ce qu’elle se transforme, oui ou non ? Depuis l’époque du feu jusqu’à celle des croûtes de l’Institut ! Alors, sur la terre qui se transforme, sur le monde qui mue, on aurait tranquillement déposé des espèces qui, elles, ne changent pas ! ne s’améliorent pas, ne pourrissent pas, avec les mondes !… Ah ! les colères de Coriolis dans son mirador !… Heureusement qu’il était là, lui !… Parfaitement… et cette prodigieuse chaîne de la vie, orgueilleusement rompue par l’homme qui ne veut rien savoir de ses frères, les animaux, … il allait la souder pour toujours à la patte de ce révolté !… Avec son anthropopithèque il allait dire à l’homme : animal toi-même !… puisqu’il avait fait de l’anthropopithèque, un homme !

Mais, hélas ! quelle catastrophe !…

C’est au moment où il se proposait, après tant d’années de travail et de patience, de faire connaître son chef-d’œuvre et de le faire entrer, de plein droit, dans la grande famille humaine, que le produit humain de son génie et de ses veilles se conduisait comme une vieille bête sauvage de la forêt de Bandang !

Car (il ne pouvait plus se le dissimuler), le geste de meurtre de son petit Balaoo avait été aussi inconscient que le craquement de la mâchoire des fauves sur la proie, dans la jungle !

Quelle catastrophe ! Quelle catastrophe !…

Ah ! oui, Coriolis souffrait bien, car il aimait Balaoo comme un père aime son enfant.

Du reste, tous ceux qui connaissaient Balaoo ne pouvaient que l’aimer, tant il était gentil, simple, charmant et naturel.