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BALAOO

œuvre ! Lui tuer son enfant !… On avait découvert Balaoo !

Jamais quadrumane supérieur, attaqué par la bande des chasseurs de la brousse, n’avait fait résonner les profondeurs équatoriales d’une colère plus gigantesque, au milieu des coups de feu !

Coriolis s’arrachait les cheveux à poignée. Il ne prit point garde à l’entrée des femmes. Penché au-dessus de la tour, il criait maintenant dans la nuit : « Hardi !… Hardi !… Hardi !… Balaoo !… Défends-toi !… Les lâches !… Les lâches qui se mettent mille contre un ! mille contre un ! avec des fusils !… Hardi !… Tue !… Tue !… »

Madeleine, voyant son égarement, essaya de le faire taire, mais ce fut en vain. Il la repoussait avec la dernière brutalité. Il montrait le poing au ciel, à la terre. Il maudissait l’univers.

Un pareil ouvrage ! On lui assassinait un pareil ouvrage ! L’ouvrage d’un Dieu ! Car il avait été aussi fort que Dieu, ce vieil original avec son anthropopithèque ! Il avait créé l’homme ! et plus vite que lui ! Là où l’autre avait mis peut-être cinq cent mille ans, il avait mis dix ans, lui, le vieil original, dix ans avec deux coups de bistouri sous la langue… Et tout cela pour aboutir à quoi ? À ce qu’on osât lui anéantir son chef-d’œuvre au coin d’un bois !… Misère !… Et il pleura…

Il pleura, car on n’entendait plus rien… L’affaire devait être terminée… Il ne devait plus rien rester de Balaoo.

Madeleine avait pris la tête de son père sur ses genoux et le caressait et le consolait comme un vieil enfant.

Il ne lui répondait pas.