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BALAOO

Il ne la jugeait point embellie, à cause que Paris lui avait fait perdre ses belles couleurs. Cependant, elle avait acquis d’autres grâces féminines, que Saint-Martin-des-Bois ne lui aurait jamais données. Mais, quand on est de la rue de l’Écu, c’est pour longtemps.

Madeleine, de son côté, trouva Patrice maussade.

— Qu’est-ce que tu as ? lui dit-elle en faisant la moue. Tu n’as pas l’air content. Est-ce parce qu’on n’est pas allé te chercher à la gare ?

— Mais je ne me plains pas ! fit Patrice, les lèvres pincées. Où est-il, mon oncle, que je l’embrasse ?

— Tu le verras à table, Gertrude va te conduire à ta chambre. Dépêche-toi, on dîne à huit heures tapant, tu as cinq minutes.

La chambre de Patrice était au second étage, elle était immense et nue. Un petit lit entre de hautes murailles et de hautes fenêtres qui fermaient mal. Aux murs, de merveilleuses boiseries écaillées, effritées, qu’il ne regarda même pas. Aucune intimité, aucune douceur. Aucune prévenance. Pas un bouquet dans un pot. Pas un portrait. Il eût aimé que Madeleine, par une allusion quelconque, eût prouvé qu’elle s’était intéressé à celui qui allait venir habiter là. Mais rien ! Il soupira. Il se trouvait seul ! seul !…

Avec quelle hâte, elle l’avait embrassé, poussé, bousculé ! Et ils allaient se marier dans deux jours !

Il était assis, désolé, au pied de son lit. La voix de Gertrude le fit sursauter, derrière la porte.

— Eh bien ! Monsieur Patrice, vous êtes prêt ? Mademoiselle voudrait vous parler.

Il n’eut aucune coquetterie, ne se regarda même pas dans la glace. Il se lava les mains et trouva Gertrude impatiente.