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BALAOO

canon. Aussitôt Gabriel, épouvanté, a franchi en un seul bond l’espace qui sépare la table où il est assis du bar qui est en face).

Gabriel, se cachant derrière le bar, d’une voix déchirante.

Brout ! Brout ! Wonoup hout ! (Grâce ! Grâce ! Hélas ! grâce ! )

Les clients, en chœur.

Qu’est-ce qu’il y a ?… Qu’est-ce qu’il y a ?…

Une dame.

Mais c’est le singe des Folies-Bergère !

Tous.

Il lui ressemble.

Sur quoi, la dame s’étant trop approchée de Gabriel, celui-ci, affolé, lui enlève prestement son beau chapeau de magnifique paille de riz qu’il se met illico, n’écoutant plus que son instinct, à dévorer. En voyant disparaître entre les dents de l’anthropoïde le chef-d’œuvre de la rue de la Paix, la dame, l’ami de la dame et le garçon poussent des clameurs déchirantes. Mais Balaoo a jeté le cri de guerre, le cri d’appel de la forêt de Bandang, et d’un nouveau bond Gabriel l’a rejoint. Tous deux sont déjà dehors quand le plus illustre client de chez Maxim arrive tout juste pour calmer le personnel en émoi :

— Vous voyez bien, dit M. B…, que c’est le maharajah de Kapurthagra, qui se promène avec son singe !…

Pendant ce temps, l’auto, qui les amena, les remporte au plus vite ; le chauffeur, qui a très peu vu la figure de ses voyageurs dans l’obscurité, croit ses clients un peu « bus ».