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BALAOO

Quand ils furent arrivés à la grille du Muséum, Balaoo prouva au chauffeur que le maharajah de Kapurthagra avait fait, cette nuit-là, une telle noce qu’il ne lui restait plus au fond de ses poches qu’une infime monnaie. Le chauffeur n’en voulut point entendre davantage. Il se déclara le serviteur du maharajah et annonça qu’il viendrait se mettre à ses ordres vers onze heures du matin ; puis il disparut après avoir salué monseigneur.

Si Balaoo avait été vraiment gai, ce soir-là, il n’eût point manqué de crier au chauffeur :

— Vous demanderez M. Gabriel, la troisième cage à gauche !

Mais Balaoo n’était pas vraiment gai…

Ayant franchi les grilles avec Gabriel, il marchait la tête basse et plus triste que jamais, en dépit d’une aussi belle soirée.

Ils arrivèrent devant l’étang des otaries, à l’heure où l’aurore commence de dissiper les ténèbres de la nuit. Gabriel, qui craignait d’être grondé, ne disait rien. Mais Balaoo ne songeait guère à faire de la peine à Gabriel. Il le fit asseoir sur la terre, près de lui ; il lui prit la main, et frissonna et soupira. Et il dit des mots d’homme que Gabriel ne comprenait pas. Mais il les disait si tristement que Gabriel en avait les larmes aux yeux.

Balaoo.

Écoute, Gabriel. Au printemps, je lui ai fait cadeau des premières branches fleuries. Alors elle m’a regardé et m’a dit : « Mon pauvre Balaoo ! » Et ce fut tout ! oui… pauvre Balaoo ! (Balaoo pleure.) Balaoo est le plus à plaindre des créatures de Patti Palang-Kaing…