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BALAOO

Ce fut un brouhaha sans nom. Madeleine était toujours dans sa robe de mariée. Cette mariée qui s’évanouissait dans une gare attira à elle tous les voyageurs et fit le vide dans les trains qui attendaient la minute du départ. Les hommes d’équipe lâchèrent leur travailles facteurs, leurs colis ; les garçons accoururent du buffet. Au-dessus de la foule, on entendait les glapissements de Gertrude et les cris de Coriolis.

Le bruit se répandait déjà avec persistance qu’il s’agissait d’une jeune fille que l’on avait mariée contre son gré et qui venait de s’empoisonner, là, devant tout le monde, sur le quai de la gare, plutôt que de suivre son mari.

Heureusement Madeleine souleva ses paupières et regarda Patrice avec une douce tendresse où il y avait comme une supplication de pardon pour l’extraordinaire journée de noce qu’on lui faisait passer… La bouche aussi de Madeleine s’entr’ouvrit pour laisser passer dans un souffle ces trois mots qui firent frissonner le pauvre Patrice : « À la maison !  »

— Oui, grogna Coriolis qui était aussi rouge que sa fille était pâle et qui paraissait sous la menace d’un coup de sang… oui… retournons à la maison… je ne peux pas te laisser partir dans cet état de faiblesse !…

Mais Patrice déclare qu’il s’oppose à ce que Madeleine retourne « à la maison ». Aussitôt la foule se dresse contre lui et menace de lui faire un mauvais parti. On le traite de brute et on plaint tout haut la jeune et charmante petite femme qui est « tombée sur un sauvage pareil » ! Une dame fait respirer des sels à Madeleine qui suffoque ; un monsieur qui se dit médecin se prépare à lui dégrafer son corsage. Patrice est décidé à mourir en héros ! Il saisit sa femme dans ses bras et s’élance à travers la