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BALAOO

Et, bien qu’ils eussent le front fracassé et beaucoup de chair mangée, Coriolis reconnut les Trois Frères qui, de si longues années, avaient été la terreur du pays. Leurs fusils gisaient près d’eux ; le plus fort des Trois, Hubert, à la barbe rousse, avait encore son arme dans sa main crispée.

À l’entour, les fougères et les arbrisseaux étaient renversés et brisés et piétinés. La lutte qu’ils avaient subie, et dont les Trois Frères étaient morts, avait fait comme un cirque, comme une piste rase ; et il avait dû y avoir là un combat terrible.

Qui donc avait été assez fort pour vaincre les Trois Frères armés de leurs trois fusils ? Et quelle arme toute puissante avait couché ces grands corps sur la terre ensanglantée ? … Oh ! c’est une arme de bois, tout simplement. Elle repose, elle aussi, sur l’herbe, après avoir fait son ouvrage. C’est un beau jeune arbre qui pouvait compter sur de longues années de l’admirable vie de la forêt et qui, bien solidement, et confiant en l’avenir, avait enfoncé ses racines dans le sol nourricier. Or, une main l’avait arraché de la terre comme s’il n’y avait pas été attaché, et c’était ce tronc de bouleau dont la blancheur d’argent se maculait des taches brunâtres du sang qu’il avait fait gicler des trois têtes, c’était ce tronc de bouleau qui avait tué !

Quel géant, quel héros avait combattu ici ? Quelle main d’archange avait manié ce glaive de bois flamboyant ?

À une branche de cet arbre, Coriolis distingua encore un coin de ce voile blanc qui faisait battre son cœur dans sa poitrine comme un tambour, et aussi, il vit (après avoir dérangé les corbeaux qui protestèrent et roulèrent autour de lui comme une troupe noire ivre), il vit encore