Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
358
BALAOO

tout seul avec son chef-d’œuvre de dieu, avec l’Homme de Java que son génie a mis au monde…

Enfin, on va voir ce qu’on va faire. De fâcheux bruits courent le département sur une histoire d’anthropopithèque. Coriolis trouve qu’on est très bien dans la forêt gardée par le souvenir des Trois Frères et de la bataille où périrent quelques braves officiers et soldats… C’est une retraite à peu près sûre et inviolable, à peu près…

D’abord, Coriolis songe avant tout à vaincre la tristesse de Balaoo. Il a raison, car le malheureux garçon est bien malade et, s’il continue à s’attrister ainsi, sans remuer, au haut de son arbre, il deviendra phtisique.

Coriolis arrache d’abord Balaoo à ses mauvaises lectures. Il lui confisque Paul et Virginie, et il l’emmène se promener dans la forêt.

Pour détourner les pensées de son élève, il le met au courant des frasques d’un certain Gabriel, dont on a pu croire, un instant, qu’il était Balaoo. En vérité ! lui-même s’y était trompé, à cause de la façon qu’il avait de porter son veston ouvert en mettant brusquement un doigt dans les poches de son gilet ou aux entournures ; enfin, à cause d’un monocle.

— J’ai beaucoup connu ce Gabriel, répondit Balaoo, en faisant effort pour suivre la pensée de son maître ; il m’empruntait tout, mes costumes, et jusqu’à la façon de les porter. Je lui avais fait don d’une paire de lunettes ; et je vois qu’il a réussi à en faire un monocle parce que j’en portais un. Ces singes ne peuvent se passer d’imiter les gens.

Ils marchèrent quelque temps sans se rien dire, puis ce fut Balaoo qui reprit :

— Pendant que l’on mettait sur mon compte toutes