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BALAOO

pareilles, tous les mois, si on gardait sa langue. Et maintenant, à la soupe, mes enfants.

Il avait jeté son chapeau loin de lui. Patrice put voir de près la terrible tête rousse aux yeux verts dont on rêvait la nuit au fond des chaumières. Hubert se glissa un escabeau entre les jambes et se pencha sur sa pitance que Zoé lui servait, fumante. Tout en soufflant dessus, il répéta :

— Oui, tout ça, c’est de la moulerie ! Mais j’en ai une bath à vous raconter ! Chacun son os ! Y en a qui passent la journaille à potiner ; moi, c’est pas mon blot ! J’écoute, et des deux anses encore ! Qui vivra verra ! Comment ça va, la pouliotte, fit-il gentiment en détachant une taloche formidable à Zoé qui se mit à chialer.

— T’es pas contente ? J’te demande pourtant des nouvelles de ta santé !

— Pourquoi que tu la bouchonnes ? demanda la Barbe.

— Alle te le dira. Je l’ai encore vue faire du plat à Balaoo, c’t’après-midi, du côté de Pierrefeu.

— C’est une innocente, fit la mère, et Balaoo ne ferait pas de mal à une mouche !

— Possible ! Mais j’ai une sœur et je veux qu’alle se tienne et qu’a nous fasse honneur ! Après on aurait des difficultés à la marier !

— Pour ça, Hubert a raison, mais je te dis que c’est une innocente. Montre ta chaussette à Hubert, glapit la vieille du fond de son alcôve.

La petite sortit sa chaussette et Patrice vit qu’Hubert se penchait sur l’objet et en examinait même la laine, à l’envers, et Hubert rendit la chaussette à Zoé qui la remit dans sa poche, et Hubert dit :

« Poitou d’Orient, c’est du rouget ! »