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BALAOO

Et les autres, encore, éclatèrent de rire.

— Heureusement qu’on ne compte point sur elle pour sa dot, fit Hubert, après avoir vidé son écuelle qu’il levait à la hauteur de sa mâchoire animale. Mais, t’en occupe pas, va, ma pouliotte, garde tes sentiments et ta vertu et on pourra tout de même te conduire chez le notaire avant d’aller chez le curé. Messieurs ! fit-il solennellement en posant les coudes sur la table, je vous ai annoncé qu’il y avait un beau coup à faire. Qui qu’en est ? qui qui d’mande la parole ?

— Tu sais bien que les albinos sont pas bavards, dit la mère et qu’ils te suivent partout comme des chiens. Va donc, mon coq.

Hubert se tourna du côté de Zoé :

— Va compter jusqu’à cent dans la forêt ! Tu me feras bien plaisir ! dit-il à la gamine.

Celle-ci, effrayée de l’air d’Hubert, ne se le fit pas répéter deux fois. Elle ouvrit la porte de la cabane, la referma et fut dehors. Patrice pensait déjà à la suivre et remerciait le Ciel de l’occasion qui allait lui permettre d’entrer enfin en possession de la précieuse chaussette, quand il s’aperçut, en allongeant la tête, que la petite ne s’éloignait pas de la cabane, mais qu’au contraire elle était restée tout contre la porte, l’oreille collée près du loquet. Il garda son poste, et, intrigué par les dernières paroles d’Hubert, se reprit à observer et à écouter… Hubert s’était allongé comme un animal qui s’étire, avait dressé ses poings au plafond, puis était retombé les coudes sur la table, le menton dans les mains énormes.

Deux cent mille ! dit-il…

Les albinos eurent un haut-le-corps et la vieille Barbe sauta d’effarement sur son grabat.