Aussi loin que la vue pouvait s’étendre, la plaine offrait l’apparence d’une culture soignée et prospère. À travers les prairies coulait une large rivière, qui facilitait une irrigation abondante au moyen des canaux et des aqueducs souterrains. Le pays, entrecoupé de haies verdoyantes, était bigarré de cultures diverses ; car le sol était riche, et le climat, s’il était moins puissant que celui des régions brûlantes de la côte, favorisait davantage les productions vigoureuses des latitudes tempérées. Au-dessous des aventuriers s’étendait la petite ville de Cajamarca avec ses maisons blanches brillant au soleil, semblable à une pierre précieuse étincelante sur la sombre lisière de la Sierra.
Environ une lieue plus loin dans la vallée, Pizarre avait pu voir des colonnes de vapeur s’élevant vers le ciel et indiquant la place des fameux bains chauds, très fréquentés par les princes péruviens.
Là aussi s’était offert un spectacle moins agréable aux yeux des soldats de Pizarre. Ils aperçurent sur la pente des hauteurs un nuage blanc de pavillons qui couvraient la terre, aussi pressés que des flocons de neige, dans un espace qui paraissait de plusieurs milles[1]. « Nous fûmes tous remplis d’étonnement », s’écrie un des conquérants, « de voir les Indiens occupant une si fière position, un si grand nombre de tentes mieux disposées qu’il ne s’en était jamais vu aux Indes. Ce spectacle jeta une sorte de confusion et même de crainte dans les cœurs les plus fermes. Mais il était trop tard pour revenir sur ses pas ou pour laisser paraître le moindre signe de faiblesse. Ainsi donc, faisant aussi bonne contenance que possible, après avoir froidement reconnu le terrain, nous nous préparâmes à entrer dans Caxamarxa. »
Tout brûlant de ces souvenirs merveilleux et tout exalté de se trouver sur un coin de terre où s’était déroulée la plus incroyable aventure du monde, François-Gaspard, debout sur ses étriers, ne cessait de saluer en termes enthousiastes la Cajamarca de ses rêves ! Instruit par Oviedo Runtu, il désignait l’endroit où attendaient Atahualpa et ses cinquante mille guer-
- ↑ Prescott, traduit par Poret : Histoire de la conquête du Pérou.