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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

Fanny écoutait Jacques s’exprimer avec cette aimable nonchalance qui était un de ses charmes mondains. Il semblait n’attacher d’importance à quoi que ce fût. Elle ne l’avait vu vraiment « s’emballer » que contre les audacieuses prétentions du papa Moutier, expliquant, sans sourire, son système de « l’autre monde ». Et encore, parce qu’on avait mêlé à ces histoires-là, et d’une façon si bizarre, le nom d’André… Mais, dame ! si Jacques avait assassiné son frère !… hypothèse à laquelle elle ne parvenait décidément point à songer avec sang-froid.

« Les lièvres, l’an dernier, disait M. de la Mérinière, se sont montrés d’une vigueur étonnante. Pendant la seconde journée, ils ont fait des randonnées folles à travers les champs de courses et plusieurs chiens se sont trouvés sur le flanc et forcés.

— D’où viennent ces lièvres ? interrogea Fanny, qui paraissait entièrement captivée par la conversation de M. de la Mérinière.

— Mais, de Bohême, madame. À ce qu’il paraît qu’en France les lois interdisent les moyens de prendre les lièvres vivants !… Auriez-vous cru cela ?

— En vérité ! »

« En vérité, pensait-elle, si quelqu’un n’a pas une figure d’assassin, c’est bien mon cher Jacques !… Ah ! la belle, bonne, franche et chevaleresque figure aux clairs yeux bleus qui regardent bien en face la chère aimée Fanny et lui sourient parce qu’ils la trouvent tout à fait belle avec sa robe de charmeuse rose et sa