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Page:Leroux - L’Homme qui revient de loin.djvu/114

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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

la table, sa pâle figure hostile entre ses deux mains frémissantes.

Elle ne répondait point à ses questions. Elle daignait parfois lever sur lui son regard, un regard qui en disait long sur le dédain qu’une jolie petite femme aux admirables cheveux rouges peut nourrir dans son cœur pour un mari qui laisse moisir un pareil chef-d’œuvre au fond d’une cour d’usine de manchons à incandescence !

…Ah ! le lugubre et poussiéreux passé !… Était-il vraiment parti ?… pour toujours ?… Était-il remisé à jamais ?… Était-il enterré plus bas, si bas dans la terre qu’elle ne le reverrait plus réapparaître ! jamais ! jamais !…

Jacques lui disait bien que maintenant ils étaient riches… Allons donc ! elle savait bien le contraire !… Il avait dépensé tout ce qui lui revenait dans les bénéfices depuis cinq ans !… Et elle se doutait bien de certaines choses… Enfin il avait agi en maître… en maître !… Quelle imprudence, n’est-ce pas, quand le vrai maître peut revenir d’un moment à l’autre !

Maintenant, la voilà devant la petite porte de la cave !… Elle s’est bien promis de ne pas avoir peur !… et elle vient d’ouvrir la petite porte de la cave, et elle a peur !… oui, cet escalier étroit, humide, glacé lui fait peur… et l’odeur horriblement fade qui monte de ce trou la fait hésiter… oh ! un instant ! là !… Fanny est une femme qui a plus de courage encore que de peur et aussi plus de curiosité…