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Page:Leroux - L’Homme qui revient de loin.djvu/150

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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

folle et qui, je vous le jure, se taira tout de même !… »

Il la vit devant lui, debout, admirable d’énergie… et si menaçante… qu’il en fut un peu rassuré… et qu’il eut honte de lui-même.

« Allons voir notre sourd-muet », décida-t-il…

Le Dr Moutier que l’on dérangea dans la rédaction d’un article sur « la suggestion dans l’emploi des vésicatoires » les suivit en bougonnant. Il aurait voulu avoir terminé cet article pour l’arrivée du professeur Jaloux. Le Dr Moutier était le seul qui restait alors au château de tous les hôtes de la Roseraie. Il profitait avec acharnement de cette retraite pour mettre au point le premier fascicule de la Médecine astrale, sur lequel Jaloux, de l’Académie des Sciences, qu’il attendait d’un instant à l’autre, devait venir jeter le coup d’œil du maître.

Moutier regretta d’autant plus le temps qu’on lui faisait perdre qu’il se rendit compte tout de suite qu’on l’avait dérangé pour peu de chose… une simple foulure… très douloureuse, sans doute, car Prosper poussait des cris inarticulés dès qu’on le touchait, et il ne fallait pas être dégoûté pour le toucher, grognait le docteur en se relevant et en réclamant de l’eau et du savon pour se laver les mains.

« Vous allez prendre une brosse de chiendent, du savon noir et de l’eau chaude et me nettoyer cette ordure », dit-il au garde et au concierge en leur montrant le misérable qui essayait de se soulever sur ses coudes comme s’il voulait fuir, et dont les gestes désordonnés