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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

s’est-elle trouvée justement là pour sauver le petit, à votre place ! »

— Oh ! madame !…

Mlle  Hélier avait compris le reproche. Elle y fut sensible, et soupira : « Le père, de son vivant, qui connaissait mon dévouement, ne m’eût jamais dit une chose pareille !… » Et elle se traîna derrière Fanny, les jambes brisées.

Pour Mlle  Hélier, le père maintenant était bien mort… Depuis que la table avait parlé, elle n’en doutait plus. Enfermée, le soir dans sa chambre de la Tour Isabelle, les mains sur son guéridon d’acajou, elle passait les nuits à l’appeler, à lui crier : « Esprit, es-tu là ? » et à lui donner tout haut des renseignements circonstanciés sur le degré d’instruction des enfants. Quelquefois elle s’enfermait avec les enfants eux-mêmes et avec l’esprit, et il se passait alors des séances qui intriguaient fort Lydia, la fraülein dont elle se méfiait, du reste, comme du feu. Elle se consolait de ce que l’esprit ne lui répondait pas (car il ne lui répondait pas) en lui parlant jusqu’au petit jour.

Elle enviait Mme  Saint-Firmin qui paraissait en communication directe avec l’esprit d’André, et pour Mlle  Hélier, il ne faisait point de doute que ce fût l’âme du défunt elle-même qui avait si miraculeusement conduit les pas de la femme du notaire jusque dans la chambre du petit, envahie par le gaz.

Pourquoi l’esprit était-il allé chercher Mme  Saint-Firmin si loin, quand, elle, Mlle  Hélier était si près ! Mais l’institutrice n’en était