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LE CRIME DE Mlle HÉLIER
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attristé à un point que tu avais besoin de solitude… Je t’ai excusé… Ils étaient du reste enchantés, lui et le docteur… Eux aussi avaient besoin de solitude… je leur ai fait servir leur dîner dans la chambre du docteur… Ils ont pu se mettre tout de suite à leurs travaux… la Médecine astrale… pour les poires… Ils n’y croient pas !… Ah ! ce n’est pas eux que les fantômes empêchent de dormir !… En vérité, vous n’avez pas honte, my dear ? »

Elle le regardait avec une tendre sévérité. Il y eut un assez long silence entre eux pendant lequel elle semblait, de toute la puissance fascinatrice de son regard, essayer de lui redonner la force morale qu’il avait perdue… Il finit par murmurer :

« Oui, j’ai honte !… je vous demande pardon… »

Et il se passa la main sur le front comme pour en chasser les images funèbres qui l’assaillaient…

« Oui, pardonnez ma faiblesse, Fanny aimée… j’ai eu comme… comme une détente de toute mon énergie passée… Depuis tant d’années, j’avais serré, serré le ressort… en silence, mystérieusement, tout seul… et j’ai senti tout à coup que je n’en pouvais plus !… que le ressort résistait, m’échappait, se brisait… le ressort de mon âme tendue depuis cinq ans !… cinq ans avec un pareil secret !… Je suis brisé !… Et c’est cette Marthe qui m’a brisé… Tu as parlé au Saint-Firmin… Que dit-il ?… Lui as-tu dit, au moins, que sa femme était folle ?… Va-t-il nous en débarrasser ?…