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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

— Le docteur lui a dit qu’il connaissait une maison où elle serait admirablement traitée, où l’on soignait ces maladies-là !… Il a répondu, avec le sourire que tu sais, qu’il ne quitterait point sa femme avant son dernier soupir !

— Oh ! il a dit « avant son dernier soupir ? »

— Parfaitement « avant son dernier soupir ? » et je suis persuadée, moi, d’une chose, c’est qu’il ne fait rien pour retarder le dernier soupir de cette femme !… Après la confidence de Marthe et cette atroce parole, tout s’éclaire, petit tchéri !… et, si tu veux m’en croire, nous n’aurons plus longtemps à redouter les extases de la petite dame du bord de l’eau !… Le vieux Saint-Firmin ne croit nullement, lui, à la mort d’André… Il doit penser que le programme entre sa femme et ton frère tient toujours !… Ils se sont promis l’un à l’autre pour après sa mort !… Eh bien ! il la regarde mourir, elle !… tout simplement !… Considère son sourire, étudie un peu son attitude, devant cette femme qui se meurt, et tu comprendras !… Rappelle-toi aussi ce qu’elle a dit, lors de notre dernière visite : « Ne mangez pas de gâteaux, ils sont moisis et peut-être empoisonnés ! » Elle aussi… elle aussi sait que le vieux ne fera rien pour retarder sa mort, à elle !… Elle sait qu’elle ne peut lui faire plus de plaisir que de mourir avant lui !… et elle sait qu’il y veille… Comment veux-tu qu’une femme qui vit dans un drame pareil ait toute sa tête à elle ?… Elle vit déjà chez les morts !… et elle ne peut faire un pas sans traîner der-