Page:Leroux - L’Homme qui revient de loin.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
JACQUES EST MORT
169

mais une idée de fantôme dont on ne peut pas se débarrasser, c’est aussi réel que le fantôme lui-même, vois-tu ?… puisque déjà je l’entends !… Alors, j’ai la terreur atroce de le voir !… Et qu’est-ce que ça me fait que le fantôme ne soit pas réel si je le vois ! si je le vois, moi, réellement !… Pour moi, il ne peut pas être plus réel !… Je te dis qu’André ne me quitte plus !… J’ai entendu la chaîne qu’il traîne à son pied, tout à l’heure… je l’ai entendu aussi bien que Marthe a pu l’entendre… mais je t’affirme, ma chérie, je te jure, que si je vois André comme elle le voit, elle, avec sa blessure à la tempe… eh bien ! j’en mourrai !… Cela je ne pourrai pas le supporter !… Non ! non ! je ne le pourrai pas ! »

Elle ne lui répondit même point, tant elle était anéantie de le voir réduit à cet état… Et il y eut entre eux un effrayant silence tout rempli de la présence du mort !

Et, tout à coup, au loin, dans la nuit, les chiens se mirent à hurler au mort !… C’était une lamentation si lugubre, un hululement si sinistre, une plainte si désespérée, une douleur si humaine dans la gorge des bêtes à la gueule tendue vers la lune, que Fanny elle-même en eut la sueur au front !… Ils se prirent tous deux leurs mains moites et ne se lâchèrent que lorsque les chiens se furent tus…

C’est Jacques qui parla le premier :

« Les chiens auraient vu passer le fantôme d’André dans le parc ou glisser le long d’une fenêtre du corridor, qu’ils n’auraient pas mieux aboyé pour ma peur, dit-il. Je voudrais bien