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JACQUES ET FANNY
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chée par l’automne et qui se dorait aux rayons du soleil couchant.

« Il me semble, petit tchéri, que tout cela est à nous ! et que je ne pourrai jamais quitter tout cela !… »

Jacques embrassa sa femme.

« Quel enfant vous êtes !

— Je ne me revois pas dans notre appartement de Héron, reprit-elle en secouant ses boucles rouges…

— Nous y avons pourtant été heureux, exprima Jacques, très heureux qu’André nous y donnât l’hospitalité, à notre retour de Saïgon !

— Je me demande comment on peut être heureux de recevoir l’aumône ! » émit-elle en retournant à sa toilette et en tripotant nerveusement les frêles objets précieux à sa beauté.

Il la gronda et lui rappela leur détresse. Ils s’étaient connus au Tonkin et s’étaient mariés là-bas : elle, fille d’un planteur dont les affaires ne prospéraient guère et qui avait été élevée assez librement, dans la fréquentation quotidienne de jeunes misses très riches, qui avaient exaspéré chez elle un ardent besoin de luxe ; lui, que l’on croyait puissamment riche comme son frère, mais qui, en réalité, avait gaspillé son patrimoine dans des entreprises de caoutchouc ; il avait été littéralement dépouillé par des forbans de la côte d’Ivoire, aidés par des hommes d’affaires de Paris. Il était venu pour se refaire au Tonkin, avec d’utiles recommandations, et tout de suite était tombé amoureux de cette jolie Fanny qui lui donnait son cœur