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LE MYSTÈRE DE LA BOUGIE
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the ! Elle lui en voulait trop d’être venue troubler leur si belle, leur si magnifique quiétude ! Si Marthe ne s’était « mêlée de rien » Fanny ignorerait encore à cette heure ce qui s’était passé au rond-point de la Fresnaie. Elle en bénéficierait, et personne n’en parlerait, et son mari ne serait pas le pauvre être bourrelé de remords qu’elle ne reconnaissait plus et qu’elle commençait de mépriser… car, à quoi bon avoir la force qui tue, qui arme le bras, si l’on n’a point ensuite celle qui commande à la pensée et qui efface le souvenir ?

Les fantômes d’André n’avaient jamais été dans la pensée de Fanny que les formes diverses du remords. Et ces fantômes étaient tous venus de la villa du bord de l’eau !… C’était Marthe qui les lâchait tous les soirs dans la campagne !… Marthe disparue, les fantômes disparaîtraient !… Ah ! comme Fanny haïssait cette femme qui avait pu espérer un instant devenir châtelaine de la Roseraie et qui semblait avoir juré de perdre celle qui lui avait pris sa place !

Sept heures sonnaient quand Fanny rentra au château.

Elle calcula que les heures qui la séparaient de trois heures du matin seraient bien lentes à passer, dans la seule compagnie de l’idée de ce crime qu’elle avait au bout des doigts depuis qu’elle avait regardé de si près la gorge de Marthe… cette gorge si redoutable… et si fragile.

… Oui, elle n’aurait qu’à serrer un peu ! Elle sentait la gorge déjà entre ses doigts !…