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Page:Leroux - L’Homme qui revient de loin.djvu/32

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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

tromper tout le monde en parlant d’un voyage à Bordeaux et en Amérique. Le voyageur devait être descendu à quelque station avant Bordeaux. Bref, pour la justice, l’absence était volontaire, et le Parquet s’en désintéressa.

Fanny en était là de ses souvenirs, et Jacques, silencieux à ses côtés, semblait être plongé, lui aussi, dans des pensées bien profondes, quand le bruit d’une querelle d’enfants, venu de l’ancienne nursery transformée en salle de jeu, leur fit dresser la tête. Ils entendirent distinctement la voix du petit François qui criait : « Le château n’est pas à toi !… Le château est à moi !… Tu n’es rien ici !… Ton papa n’est rien ! Ta maman n’est rien !… Vous êtes tous des domestiques de papa ! »

En proie à une irritation folle, l’enfant accompagnait cette déclaration de bris de meubles. D’autres cris d’enfants lui répondaient.

Fanny s’était levée brusquement dans une agitation telle que Jacques crut bon de la retenir.

« Je t’en prie ! Du sang-froid ! Reste ici !… »

Il lui serrait fortement le poignet, et elle obéit à cette autorité ; elle ne le suivit pas, mais quand il fut parti, une expression de rage enfantine et terrible se répandit sur son beau visage, cependant qu’elle aussi, comme les petits là-bas, brisait des objets autour d’elle et éclatait en sanglots.

C’est dans cet état qu’il la retrouva et il en fut bouleversé.

« Ma petite Fanny, tu vas te rendre malade ? »