Page:Leroux - L’Homme qui revient de loin.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

que c’était moi qui me créais l’image du fantôme d’André, etc., etc…, oh ! je me méfiais de moi-même… de mes yeux, de mon intelligence, de mon pauvre cerveau, de ma pauvre tête qui est, en effet, bien malade. »

Elle se passa la main sur le front et sembla, un instant, rassembler ses souvenirs.

« D’abord, je vous avouerai que, depuis le départ d’André, j’avais cru le voir plusieurs fois… je n’en avais parlé à personne… car je me raisonnais et j’étais d’avis que c’était là une obsession de ma pensée… de ma pensée que je ne pouvais détourner de la sienne…

« Il faut aussi que vous sachiez que, de son vivant, entre André et moi, il y avait une communauté d’idées absolues… Nous étions amis souverainement… liés d’âme, car nous nous aimions comme… comme de futurs époux…

— Comment ! comme de futurs époux, s’exclama Fanny.

— Oui ! oui ! comme de futurs époux… Ah ! je vous dis tout ! continua Marthe d’une voix passionnée, parce que je sais que si je ne me décharge pas un peu de ce secret qui m’étouffe, il arrivera encore des malheurs !… Mon mari est vieux ; André et moi, nous étions jeunes… nous nous étions promis d’être l’un à l’autre… après la mort de mon mari. Et, sans doute, cela était un crime !… un crime impardonnable d’enterrer déjà ce vivant… et voilà que c’est l’autre qui est mort !… Mon André !… Mon André !… Oh ! il est bien mort !… Il me l’a tué !… Il me l’a tué !… »