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Page:Leroux - L’Homme qui revient de loin.djvu/95

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LES RÉFLEXIONS DE FANNY
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« Pardon, monsieur Gordas, vous ne vous rappelez pas si, il y a cinq ans, le matin même du départ de M. André, mon mari est venu prendre ici, dans son auto, un panier de manchons qu’une grande maison de Paris avait refusés à cause d’un défaut de confection… »

D’autant plus impardonnable eût été Mme de la Bossière qu’elle n’ignore plus maintenant l’heure d’ouverture des magasins et qu’elle doit se souvenir que ce matin-là, à neuf heures, Jacques était déjà de retour à Héron, avec son auto !… avec son auto et le panier de manchons Héron… ou… ou… ou… avec… la malle…

Ouf !… le flacon de sels… un peu d’énergie, chère belle madame… un peu d’énergie…

Pourquoi ce jour-là Jacques lui a-t-il menti ?… Car elle vient d’apprendre qu’il lui a menti… elle n’en doute plus… bien qu’elle ne l’ait jamais positivement soupçonné de mensonge à cet égard… jusqu’à… mon Dieu… jusqu’à hier… jusqu’à cette minute précise où Jacques a laissé tomber son verre, cependant que Mme Saint-Firmin prononçait ces mots : André a été assassiné en automobile !

Encore un peu de sels anglais sous les narines pincées et si pâles, si pâles de la belle Fanny aux cheveux rouges…

Chose bizarre, ce bris de verre sur le parquet, qui avait réveillé sa mémoire au bout de cinq ans, lui avait rappelé le bris singulier d’une soucoupe cinq ans auparavant… C’était au dernier repas qu’ils avaient fait à Héron, après le départ d’André… Elle s’était