été chargé, aurait fait tout ce qu’il faut pour tuer M. Petito. Elle ne le nia pas. Eh bien ! en lui coupant les oreilles, n’avais-je pas prouvé qu’il n’y avait aucun besoin de le tuer ?
» Un homme préfère vivre sans oreilles que trépasser avec ses oreilles, et M. Petito se trouvait aussi dégoûté de ses promenades nocturnes dans les appartements des autres que s’il était mort.
« — J’ai agi pour le mieux, avec une grande retenue et une inconcevable humanité.
» La logique de ces paroles la calma un peu, et ce qui restait de la nuit se serait passé convenablement si je ne m’étais avisé de lui dévoiler tout le mystère de ma personnalité. Ce fut sa faute. Elle insistait pour connaître le pourquoi de mon courage subit, ce qui était assez naturel, attendu que jusqu’à ce jour je n’étais guère brave. Ce n’est pas en vendant des timbres en caoutchouc que l’on apprend à voir couler le sang. Alors, je lui dis, tout de go, que j’étais Cartouche et, par une sorte de forfanterie qui m’étonna moi-même, je me vantai de mes cent cinquante assassinats personnels. Elle s’enfuit du lit, ainsi que je l’avais prévu, et jura que rien au monde ne la ferait coucher avec Cartouche. Elle montrait les signes de la plus grande terreur et s’était réfugiée derrière le canapé. De plus, elle m’annonça qu’elle allait demander le divorce. Je ne pus m’empêcher, à cette nouvelle, de m’attendrir sur mon malheur, et je me pris à pleurer. Elle voulut bien alors se rapprocher de moi, me fit comprendre avec beaucoup de précaution combien sa situation devenait difficile, qu’elle avait cru épouser un honnête homme, qu’elle découvrait tout à coup qu’elle partageait la couche du plus affreux des brigands, et qu’il n’y aurait plus désormais pour elle de repos pos-