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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

Tout d’abord sceptique, il faisait tourner les tables comme il faisait tourner les cœurs ; je veux dire qu’il ne croyait pas plus alors au spiritisme qu’il ne croyait à l’amour. Un jour vint cependant où son cœur devait succomber, où son esprit devait s’humilier ; c’est le jour unique qui lui fit connaître Marceline et M. Éliphas de Saint-Elme de Taillebourg de la Nox.

Il rencontra Marceline dans un salon où l’on faisait surtout « du péresprit ». Ce salon reconnaissait pour grand maître, pour chef, pour dieu, M. Éliphas de Saint-Elme de Taillebourg de la Nox.

On voyait rarement, du reste, M. de Saint-Elme de la Nox, qui menait la vie la plus retirée, la plus mystérieuse au fond de sa rue de la Huchette. Aussi ses apparitions dans le salon des Pneumatiques, chez la belle Mme  de Bithynie, annoncées à l’avance, étaient-elles considérées par les initiés comme des sortes de fêtes religieuses auxquelles ils s’empressaient d’assister fort dévotement.

Comment Marceline avait-elle pénétré dans ce milieu ? De par la volonté de M. Longuet qui, ayant entendu parler d’un salon des Pneumatiques, n’avait eu de cesse que sa femme s’y fît présenter. Il pensait, dans sa belle âme, que c’était là une espèce de cercle mondain qui réunissait les trafiquants en caoutchouc les plus en vue de la capitale. Or, chacun sait que la pneumatologie étant cette partie de la métaphysique qui traite des esprits (de pneuma, souffle, âme), les Pneumatiques sont les initiés à cette science, qui n’a rien à faire avec la substance élastique et résistante extraite par incision de l’arbre appelé dans les Indes occidentales cahuchu.

Les Pneumatiques s’appellent encore Gnostiques ; ce sont, bien entendu, ceux des Pneumatiques qui s’attachent plus particulièrement à l’étude de la Gnose, qui