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Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/183

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OÙ L’ON ESSAIE DE TUER CARTOUCHE

touche avait envahi si complètement le cerveau de cet honnête homme, que je considère comme le meilleur et le plus sûr des amis, qu’il nous sembla que l’unique remède à tant de malheurs était la mort de Cartouche.

» M. de la Nox n’hésita pas. En vain avait-il usé de la Raison, que nous avions pu croire un moment victorieuse ; l’opération s’indiquait. Mme Longuet fit bien quelques observations auxquelles nous ne répondîmes même point. Quant à Théophraste, il était inutile de lui demander son avis. Du reste, M. de la Nox avait déjà son regard sur lui, et nul n’a jamais résisté au regard de M. de la Nox.

» Théophraste poussa quelques soupirs, se prit à trembler affreusement ; mais quand M. de la Nox lui cria : « Cartouche je t’ordonne de dormir ! » il tomba d’un seul coup sur le fauteuil qui se trouvait derrière lui et ne fit plus aucun mouvement. Sa respiration était si muette que nous eussions pu douter qu’il vivait encore.

» L’opération de la mort de Cartouche allait commencer. Je savais, par quelques exemples illustres, que c’était une opération difficile, car on risque toujours, quand on veut tuer une âme réincarnée, c’est-à-dire rejeter vers le néant passé cette partie de l’Individualité, cette manifestation passagère de notre Moi éternel qui a été quelqu’un auparavant et qui nous poursuit de telle sorte qu’il nous empêche de vivre en toute sagesse notre maintenant, — on risque toujours, dis-je, de tuer avec cette âme réincarnée (pour parler le langage du vulgaire) le corps même dans lequel elle s’est réincarnée. Ni plus ni moins, nous allions essayer de tuer Cartouche sans tuer Théophraste, mais on pouvait tuer Théophraste. De là notre émotion.

» Il fallait toute l’autorité, toute la science et toute la