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M. LONGUET SUBIT LA TORTURE

penchâmes sur cette bouche, en nous enfonçant les doigts dans les oreilles, et nous vîmes le fond d’une gorge écarlate et vibrante où roulaient pêle-mêle le rugissement du lion, le hi-han de l’âne, l’aboiement du chien, le miaou du chat, le sifflement du reptile, le barrissement de l’éléphant et le piouïtt de la perdrix.

» Mme Longuet voulut s’enfuir, mais elle était si épouvantée qu’elle s’empêtra dans les plis de sa robe et s’étala de tout son long sur le carreau. Quand elle se releva — je l’y aidai — le cri avait à nouveau cessé, et M. de la Nox lui ordonna de se tenir tranquille et de rester à sa place, lui rappelant, d’un front sévère, qu’elle avait sa part de responsabilité dans l’opération. M. de la Nox nous avoua que « le pire était fait », ce dont nous fûmes tout à fait aises. Nous étions débarrassés, du moins le pensions-nous, de cette grosse histoire de la torture.

» Maintenant Théophraste reposait paisiblement sur son matelas de sangle. C’était une chose à considérer que cet apaisement immédiat suivant l’horreur de la souffrance. Il ne souffrait donc que pendant qu’on le faisait souffrir. Il n’en conservait, après, aucune douleur appréciable. Il n’y avait pas de suite dans la douleur ; c’est ainsi que nous nous expliquions que, dans les intervalles de la torture, il répondait à M. de la Nox, de la façon la plus naturelle, sans émotion physique. M. de la Nox reprit l’interrogatoire :

D. Et maintenant où es-tu, Cartouche ?

R. Je suis toujours dans la salle de la torture. Ah ! ils me tiennent ! Ils me tiennent bien. Mais on ne sait jamais. Je vous dis, je vous répète qu’ils croyaient bien me tenir le 1er avril dernier !… Ah ! ah ! voilà qu’ils me prennent les bras. Qu’est-ce qu’ils vont en faire ? Je crois bien, par les tripes de Mme de Phalaris ! que mes