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Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/23

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THÉOPHRASTE VEUT S’INSTRUIRE

mille ans des prisonniers illustres dont ils avaient oublié les noms. Marceline continuait à penser à Marie-Antoinette, à madame Élisabeth et au petit Dauphin, et aussi aux gendarmes de cire qui veillent dans les musées, sur la famille royale. Ainsi, elle visitait la Conciergerie, tandis qu’en esprit elle était au Temple. Mais elle ne s’en doutait pas.

Comme ils descendaient de la tour d’Argent, où ils avaient trouvé pour tout souvenir moyenâgeux un vieux monsieur sur un rond-de-cuir, derrière un bureau modern-style, classant des papiers relatifs aux derniers internés politiques de la troisième République, ils retombèrent dans la salle des Gardes, se dirigeant vers la tour Bon Bec.

Théophraste, qui avait son idée, demanda au gardien-chef :

— N’est-ce pas ici, monsieur, que s’est passé le dernier repas des Girondins ?

Et il fut heureux d’ajouter, car il mettait quelque amour-propre à paraître renseigné :

— Vous devriez bien nous dire exactement où se trouvait la table, et aussi la place qu’occupait Camille Desmoulins.

Le gardien répondit que les Girondins avaient dîné dans la chapelle et qu’on la visiterait bientôt.

— Si je tiens à connaître la place de Camille Desmoulins, dit Théophraste, c’est que Camille Desmoulins est mon ami.

— À moi aussi, fit Marceline, avec un regard d’une grande douceur vers M. Adolphe Lecamus, regard qui signifiait — on peut le jurer — « Pas autant que toi, Adolphe ».

Mais Adolphe se moqua d’eux. Il prétendit que Camille n’était pas un Girondin. Théophraste fut vexé et