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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

un peu aussi Marceline. Quand Adolphe eut affirmé que c’était un cordelier, un ami de Danton, un septembriseur, Marceline nia :

— Jamais, dit-elle, s’il en eût été ainsi, jamais Lucie ne l’eût épousé.

M. Adolphe Lecamus n’insista pas, mais comme on était arrivé tour Bon Bec, dans la salle de la Torture, il feignit, par condescendance, de s’intéresser aux étiquettes qui annonçaient, sur les tiroirs garnissant les murs, du houblon, de la cannelle, du séné.

Le gardien dit :

— Ceci est la salle de la question. On en a fait la pharmacie.

— On a bien fait, répliqua Théophraste ; c’est plus humain.

— Sans doute, ajouta Adolphe, mais c’est moins impressionnant.

Marceline, du coup, fut de son avis. On n’était pas impressionné du tout. Ah ! ils attendaient autre chose. Quand on passe sur le quai de l’Horloge, l’aspect formidable de ces tours féodales, « dernier vestige » du palais de la vieille monarchie franque, porte un trouble momentané dans l’esprit du plus ignorant. Cette prison millénaire a entendu tant de râles magnifiques et caché de si lointaines et légendaires misères, qu’il semble bien que l’on n’a qu’à y pénétrer pour trouver assise en quelque coin sombre, humide et funeste, l’Histoire tragique de Paris, immortelle comme ces murs. Or, voici que dans ces tours, avec un peu de plâtre, de parquet, de peinture, on a fait le cabinet de M. le directeur, le bureau du greffier ; on a mis le potard là où autrefois se tenait le bourreau. Comme dit Théophraste, c’est plus humain.

Mais, tout de même, comme c’est moins impression-