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THÉOPHRASTE REPREND GOÛT À LA VIE

boyaux, de la fressure, du ris. Il souffla la fressure, ayant mis « le cornet » dans sa bouche. Les poumons étaient roses et volumineux ; Théophraste félicita M. Houdry sur « l’excellente santé du veau ». Il examina également le cœur et la rate, et dit :

— Bonne constitution ! Bonne constitution !… Il était fait pour vivre cent ans. C’est un pauvre malheureux veau !

Pendant que M. Houdry dépouillait le veau de ce qui lui restait de cuir dans le dos et l’habillait d’une belle nappe blanche pour l’étal, Théophraste avait fait « friser » la fraise dans l’eau bouillante, puis il demanda à son ami le boucher de lui laisser la toilette de la tête et des quatre pieds. Il y avait près de là de l’eau très chaude dans une chaudière. Il y jeta la tête et les quatre pieds. Puis il reprit la tête et, au-dessus de la chaudière, en gratta avec force le poil, l’échauda, la raffina, et prit tout son temps pour lui nettoyer les oreilles.

— Les oreilles, fit-il avec une joie d’ange, les oreilles, ça me connaît !…

Et, tout de suite, il acheta la tête de veau tout entière.

M. Houdry voulut la lui faire porter à domicile, mais il refusa et il la disposa avec soin au fond de son ombrelle verte, retournée, qui lui servit de panier.

— Au revoir, monsieur Houdry, dit-il, au revoir ! J’emporte ma tête de veau, mais je vous ai laissé les yeux. Je n’aime pas que des yeux de veau me regardent comme ces yeux-là vous ont regardé tout à l’heure ! Les yeux de veau mort, c’est méchant ! Vous riez, monsieur Houdry ! C’est votre affaire !… Félicitations, monsieur Houdry, félicitations !… Mais ça finira par se savoir chez les veaux !