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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

— Eh bien ?

— Eh bien ? Vous n’avez pas peur des yeux d’un veau mort qui vous regardent ? Félicitations !… monsieur Houdry !… Félicitations !

— Ah ! ah !… Vous voulez rire !

— Ah ! non ! Permettez ! C’est vous qui riez ! Moi, je me garde à carreau. Le veau le voit bien. Tant pis, monsieur Houdry ! Tant pis ! Rira bien qui rira le dernier !…

Mais déjà M. Houdry, « qui n’avait pas de temps à perdre », « brochait » le veau avec son « fusil », près du nombril, et enfonçait dans l’incision le bout de son soufflet et soufflait.

— Regardez comme il gonfle bien ; il ne sera pas difficile à « blanchir ». Moi, je le souffle toujours ; sans ça, j’estime que c’est du mauvais travail. Du côté d’Orléans, on ne le soufflait pas autrefois ! Mais ils y sont revenus.

— Il faut toujours reconnaître ses erreurs, dit Théophraste.

M. Houdry finit de décoller la tête et coupa les quatre pieds aux joints. Puis d’un grand coup de son couteau, il pourfendit l’animal de haut en bas, et en croix d’un jarret à l’autre. Puis il « le blanchit », c’est-à-dire qu’il enleva le cuir de dessus le ventre et dessina sur la peau de petites choses aimables avec sa lancette. Puis quand le veau fut « fleuri », M. Houdry lui ouvrit le ventre complètement, lui trancha le quartier de derrière et dit :

— C’est le cul de veau !

— Pas mauvais, à la casserole, avec des carottes ! fit Théophraste.

Et Théophraste aida M. Houdry à attacher les pattes de derrière au « tinet », qui fut hissé à l’aide du treuil. Le veau était suspendu. Le boucher le vida de ses