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Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/241

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LA PARTIE DE DOMINOS

femme procédait, vers une heure du matin, à sa toilette de nuit et s’apprêtait à prendre un repos bien gagné, à la suite des fatigues qui lui étaient échues ce soir-là, avec les tracas d’une conférence à domicile par le plus illustre de nos Pneumatiques, quand soudain la porte-fenêtre de son balcon s’ouvrit avec impétuosité et un homme, d’une taille un peu au-dessus de la moyenne, jeune encore et extrêmement vigoureux (ce dernier détail est dans le rapport de la police), mais la chevelure entièrement blanche, se précipita à ses pieds. Il avait dans la main un revolver au brillant nickel.

» — Madame, dit-il à cette femme épouvantée, remettez vos esprits. Je ne vous veux point de mal. Considérez le plus humble de vos serviteurs. Je m’appelle Louis-Dominique Cartouche et je n’ai d’autre ambition que de souper à vos côtés. Par les tripes de Mme de Phalaris ! j’ai une faim de tous les diables. Et il se prit à rire.

» Mme de B… (appelons-la Mme de B…) crut avoir affaire à un fou, mais ce n’était qu’un homme déterminé à souper avec Mme de B…, dont il disait apprécier depuis longtemps la grâce particulière. Et cet homme était beaucoup plus dangereux qu’un fou, car il fallait lui céder, à cause du revolver au brillant nickel.

» — Vous allez, dit l’homme, appeler vos gens et leur commander de vous apporter ici un excellent souper. Ne leur donnez aucune explication qui pourrait me causer quelque désagrément, car alors vous êtes une femme morte.

» Mme de B… prit son parti, car elle est brave et d’un esprit assez élevé pour faire face aux plus inattendues aventures. Elle sonna sa femme de chambre et, un quart d’heure plus tard, l’homme aux cheveux blancs et Mme de B… étaient assis devant un en-cas fort convenable