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M. LONGUET CONTINUE SA LECTURE

ils ignoraient que j’étais Cartouche et se contentèrent de me conduire au Fort-l’Évèque, qui était la prison la moins sévère de Paris, où l’on enfermait les dettiers, les comédiens incivils et les gens qui n’avaient pas payé l’amende. Ils surent seulement qu’ils avaient pris Cartouche le 10 janvier ; mais le 9, au soir, Cartouche s’était évadé et reprenait la direction de sa police. Il était temps, car tout allait de travers dans les rues de Paris. Ma chère Marceline, mon cher Adolphe, vous avez des mines d’enterrement. Cet article ne manque cependant point d’un certain sel. J’ai cru tout d’abord à une facétie de folliculaire, mais je vois bien que c’est très sérieux, croyez-moi ! et attendez l’histoire du veau ! Ah ! ah ! nous n’en sommes encore qu’à l’affaire des Petits-Augustins !… Écoutez !

Théophraste, qui avait ramassé son journal, assujettit ses besicles d’or et reprit :

« Ce qu’il y a de plus extraordinaire dans cette incroyable aventure, c’est que plusieurs fois, depuis huit jours, on a été sur le point de prendre le Cartouche moderne et qu’il s’est toujours évadé, ainsi que l’autre, par les cheminées. C’est ainsi que l’histoire nous apprend que le vrai Cartouche, le 11 juin 1721, eut le dessein de mettre à sac l’hôtel Desmarets, rue des Petits-Augustins. C’est un de ses hommes, le Ratichon, qui lui avait indiqué le coup à faire. Mais Cartouche et le Ratichon avaient été « mis dedans » par la police. Sitôt que Cartouche fut dans la maison, les archers accoururent et la place fut investie. Lui, tranquillement, fit fermer les portes des salons et éteindre les lumières, se déshabilla, grimpa dans la cheminée, descendit par une autre cheminée dans la cuisine, où il trouva un marmiton, tua le marmiton, se déguisa avec les habits du mort, sortit enfin de l’hôtel, mettant à mal, de deux