coupage du boucher Houdry, cessa d’accuser le veau. Il se rappela maintes sorties nocturnes, par la route qu’il venait de suivre ; et quelques crimes sanglants, apparus à sa mémoire enfin dégourdie, lui firent monter aux yeux les larmes trop tardives d’un inutile remords. Ainsi, malgré toutes les souffrances passées, en dépit des invocations de M. de la Nox et de la torture qu’on lui avait imposée, Cartouche n’était pas mort ! Et ce soir-là, comme tant d’autres criminels soirs, il promenait son âme damnée sur les toits de Paris. Il pleura. Il maudit cette force mystérieuse et irrésistible qui, du fond des siècles, lui ordonnait de tuer. Il maudit le geste qui tue. Il songea à sa femme, à Adolphe. Il regretta amèrement les heures de bonheur passées entre ces deux êtres si chers. Il les excusa de s’être enfuis, il leur pardonna leur terreur. Il résolut de ne plus, désormais, troubler de ses rouges divagations la paix de leurs jours. « Disparaissons ! se dit-il ; cachons notre honte et notre tare originelle au fond des déserts ! Ils m’oublieront !… Je m’oublierai moi-même. Profitons de ces minutes logiques où mon cerveau, dégagé momentanément de l’Autrefois, discute, pèse, déduit, conclut et voit dans le maintenant. Ce n’est plus Cartouche qui parle ! C’est aujourd’hui Théophraste qui veut ! Théophraste qui crie à Cartouche : Fuyons ! fuyons ! puisque j’aime Marceline ! Fuyons ! puisque j’aime Adolphe ! Un jour, ils seront heureux sans toi ; il n’y a plus de bonheur avec toi !… Adieu ! adieu ! Marceline, femme adorée, épouse fidèle ! Adieu ! Adolphe, ami précieux et consolateur !… Adieu ! Théophraste vous dit : Adieu !… »
Il pleura ! Il pleura !… Puis tout haut il dit :
— Viens, Cartouche !…
Et il s’enfonça dans la nuit, allant de gouttière en gouttière, grimpant de toit en toit, glissant du haut des