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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

— Alors ?

— Alors, quand la grille fut ouverte, il s’enfonça dans la nuit des caves. Où allait-il ? Comment trouvait-il son chemin ! Ces bas-fonds de la Conciergerie sont plongés dans d’effrayantes ténèbres que rien ne vient troubler depuis les siècles des siècles.

— Vous n’avez pas tenté de l’arrêter ?

— Il était déjà trop loin et ce n’était pas en mon pouvoir. L’homme à l’ombrelle verte me commandait. Je restai ainsi un quart d’heure environ, à l’entrée de cette nuit opaque. Soudain, j’entendis sa voix, pas la première mais la seconde voix. J’en fus tellement saisi que je m’accrochai aux barreaux de la porte. Il criait :

» — C’est toi, Simon l’Auvergnat ?

» Je ne répondis rien. Il passa près de moi et il me sembla qu’il mettait un chiffon de papier dans la poche de sa jaquette : il franchit d’un bond l’escalier et rejoignit l’autre monsieur et la dame. Il ne leur donna aucune explication. Moi, je courus leur ouvrir la porte de la prison. J’avais hâte de les voir dehors. Quand le guichet fut ouvert et que l’homme à l’ombrelle verte se trouva sur le seuil, devant le quai, il prononça, sans raison apparente, cette phrase :

» — Il faut éviter la roue !

» Je dis, monsieur : sans raison apparente, car il ne passait pas de voiture.