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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

vu le train passer en K ? Puisque tout s’explique ainsi, il faut que la chose se soit passée ainsi ; et alors seulement je recherche comment vous n’avez pas vu le train passer en K. Ce qui est impossible à expliquer pour cinq personnes en A ou en B doit l’être pour une en K.

» — J’attends ! dit Théophraste.

» Je continuai en ricanant, et vraiment vous allez voir qu’il y avait de quoi ricaner :

» — Il y a des moments où vous êtes sourd, monsieur Longuet ?

» — J’ai déjà eu l’honneur de vous le dire.

» — Imaginez que vous étiez sourd au moment où vous attendiez le train en K, vous ne l’avez donc pas entendu ?

» — Oui, mais je l’aurais vu.

» — Déjà, vous ne l’avez pas entendu ! C’est beaucoup cela ! Dieu vous bénisse ! monsieur Longuet ! Dieu vous bénisse ! (M. Longuet éternuait.)

» M. Longuet me remercia de ce que je priais Dieu de le bénir et, comme il éternuait encore, je tirai ma montre de sa poche (il me l’avait déjà prise) et je lui dis :

» — Savez-vous, monsieur Longuet, combien dure un seul de vos éternuements ? c’est-à-dire combien vous restez de temps la tête basse pendant que vous éternuez ?… Trois secondes !… C’est-à-dire une seconde 30 centièmes de plus qu’il ne faut pour ne pas voir passer devant soi un train de quatre wagons qui, étant en retard, fait du cent vingt à l’heure. Monsieur Longuet, le train a disparu ou plutôt a semblé disparaître, parce que vous étiez sourd et enrhumé !

» M. Longuet leva des bras démesurés vers les voûtes des catacombes.