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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

» Je ne perdis point notre temps à lui faire un cours sur le rôle que chaque genre de terrain, pouvait jouer dans un pareil phénomène ; je n’eus garde de lui obscurcir l’entendement de la théorie des couches sablonneuses reposant sur des couches imperméables. Tout de même, il fallut bien qu’il comprît que, dans les couches perméables, les eaux pouvaient former des nappes liquides continues se mouvant avec une certaine vitesse. Ces eaux courantes, entraînant peu à peu les roches et les sables environnants, des rivières souterraines prennent ainsi la place du massif originaire et opèrent de grands vides là où primitivement tout se touchait.

» Ce qui le frappa par-dessus tout, c’est le récit que je lui fis de mon voyage en Carniole. Il y a là un lac, le lac de Zirknitz, qui a environ deux lieues de long sur une lieue de large. Vers le milieu de l’été, si la saison est sèche, son niveau baisse rapidement et, en peu de semaines, il est complètement à sec. Alors, on aperçoit distinctement les ouvertures par lesquelles les eaux se sont retirées sous le sol, ici verticalement, ailleurs dans une direction latérale, sous les cavernes dont sont criblées les montagnes environnantes. Quand les eaux réapparaissent, venant du lac souterrain qui est évidemment adjoint naturellement au lac visible avec ces eaux apparaissent des poissons plus ou moins gros, sans yeux. Enfin, par une sorte de caverne sortent quelques canards du lac souterrain. « Ces canards, au moment où le flux liquide les fait ainsi jaillir à la surface de la terre, nagent bien. Ils sont complètement aveugles et presque entièrement nus, c’est-à-dire sans plumes. La faculté de voir leur revient en peu de temps, mais ce n’est guère qu’au bout de deux ou trois semaines que leurs plumes, toutes noires, ont assez poussé pour qu’ils