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UN JOYEUX OSSUAIRE

» Il me répondit :

» — Ni moi non plus.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» Nous marchions depuis une demi-heure sans mot dire quand M. Longuet me demanda :

    sible que le journal Le Matin a rendu compte d’un concert semblable à la date du 3 avril 1897 ! » (Quelle mémoire des dates avait ce haut fonctionnaire…)

    En effet, à cette date, il est rendu compte, dans le Matin, d’un concert qui fut donné à deux heures du matin dans les catacombes. Le reporter dit : « Nous avions cru à quelque poisson d’avril d’actualité, à quelque farce sinistre. L’invitation qui nous fut adressée était ainsi libellée : « Vous êtes prié d’assister au concert spirituel et profane qui se fera le vendredi 2 avril 1897, en l’ossuaire des catacombes de Paris, par le concours d’artistes musicaux très éminents. Notes précieuses. L’entrée sera rue Dareau, 92, près la rue Hallé, dès onze heures du soir. Pour éviter le rassemblement de curieux et de gêneurs, prière de ne pas ordonner l’arrêt de voitures devant la porte d’entrée. »

    Le reporter s’était rendu naturellement à cette invitation et racontait ses impressions qui étaient, à s’y tromper, celles de M. Mifroid. Il est vrai qu’en somme un concert dans les catacombes, c’est toujours un concert dans les catacombes, et la note ne saurait varier (il faut mettre hors de cause les concerts de silence, où la note varie toujours.)

    Le reporter avait interviewé l’un des organisateurs de cette petite fête macabre.

    « — L’idée nous en est venue un soir, raconte l’organisateur, chez un de nos amis, un étudiant en médecine, M. Doubrolle. Nous avons pensé que ce ne serait point banal, cette note d’art : du Chopin dans les catacombes. Et comme un ami, M. Daille, nous fit entendre que la chose était possible, nous nous sommes immédiatement organisés, MM. Alla, littérateur ; Jouano, musicien ; Prenet, compositeur ; Lassalle, littérateur ; Dogno, artiste, et nos efforts ont abouti. Nous n’avons pas besoin de vous dire que nous sommes ici subrepticement, et que nous n’avons nullement l’autorisation de la préfecture. L’ingénieur de la Ville, M. Pellet, ignore le concert qui se donne ce soir aux catacombes. »

    Le reporter ajoute :

    « — Ces jeunes gens disaient vrai. Deux ouvriers qui ont pris sur eux de les introduire et qui, nous les croyons sans peine, ont par cela même « risqué leur place », nous confirment les paroles de l’« organisateur ».