Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

doute été écrits avec son sang. Plus tard, il se proposait de consulter là-dessus un chimiste distingué.

« Pourvu, mon Dieu, pensait-il, encore, qu’on n’y ait pas touché ! Ces trésors m’appartiennent, puisque c’est moi qui les ai enfouis. Si besoin est, avec ce document qui est de mon écriture, j’établirai mes droits de propriété. »

Théophraste Longuet n’était pas riche. Il se retirait du commerce avec une honnête petite aisance : la maison de campagne, le jardinet, la pièce d’eau, la boule. C’était peu, avec les goûts quelquefois somptueux de Marceline. Décidément, les trésors arrivaient bien.

Et Théophraste se replongeait en l’étude de son papier.

Il faut dire tout de suite à sa louange, qu’il était beaucoup plus intrigué par le mystère de sa personnalité que par le mystère des trésors ; aussi, il se résolut à interrompre momentanément ses recherches jusqu’au jour où il pourrait enfin donner un nom au personnage qu’avait été Théophraste Longuet en 1721. Cette découverte, qui l’intéressait au plus haut point, devait être, dans son esprit, la clef de toutes les autres.

Ce qui l’étonnait un peu, c’était la disparition soudaine de ce qu’il appelait « son instinct historique », instinct qui lui avait fait défaut toute sa vie, mais qui s’était révélé à lui avec la promptitude et la force d’un coup de tonnerre, dans les bas-fonds de la Conciergerie. Un moment, l’Autre, comme il disait en s’entretenant du grand personnage du dix-huitième siècle qu’il avait été, l’Autre l’avait possédé. L’Autre était alors si bien entré en maître chez Théophraste qu’il avait agi avec ses mains et parlé avec sa bouche. C’était l’Autre qui avait trouvé le document, c’était l’Autre qui avait crié : « Parbleu ! c’est l’allée des Pailleux ! », c’était