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QUI SE TERMINE PAR UNE CHANSON

l’Autre qui avait appelé Simon l’Auvergnat. Et depuis, l’Autre avait disparu. Théophraste ne savait plus ce qu’il était devenu. Il le cherchait en vain. Il se tâtait. Il descendait en lui-même. Rien !

Théophraste n’entendait point que les choses se passassent de la sorte. Théophraste, avant cette aventure, n’avait aucune curiosité malsaine de savoir ce qui était au commencement des choses, ce qui devait être à la fin ; il n’avait point perdu son temps à sonder des mystères philosophiques, dont la vanité lui avait toujours fait hausser les épaules. C’était un bourgeois tranquille qui savait que deux et deux font quatre et qui n’aurait jamais imaginé qu’un même homme pût fabriquer des timbres en caoutchouc en l’an 1899 et avoir été enfermé dans un cachot, après avoir enfoui des trésors, en 1721. Mais puisque la révélation d’un fait aussi prodigieusement exceptionnel était venue, sans qu’il la demandât, habiter son esprit, avec des preuves, il s’était juré d’aller « jusqu’au bout ». Il saurait. Il saurait tout.

Son instinct pouvait l’abandonner momentanément ; il irait chercher dans les livres. Et il finirait bien par découvrir qui était ce personnage puissant et riche qui avait été enfermé dans un cachot en 1721, après avoir été trahi le 1er  avril. Quel 1er  avril ? Ceci restait à déterminer.

Il courut dès lors les bibliothèques et poursuivit son personnage. Il fit défiler devant lui les premiers du royaume. « Pendant qu’il y était, il ne trouvait rien de trop beau. » Des ducs et pairs, des généraux illustres, de grands financiers, des princes du sang. Il s’arrêta un instant à Law, mais il lui trouva l’esprit trop dissipé ; à Maurice de Saxe, « qui devait gagner la bataille de Fontenoy » ; au comte Du Barry, qui avait eu les plus belles maîtresses de Paris ; il eut la terreur, un