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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/147

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LA MACHINE À ASSASSINER
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général qui gagna la capitale. Rappelons seulement que dans les caveaux où sont exposées quelques scènes de la Révolution, des personnages historiques, qui avaient le tort d’être habillés à peu près comme l’était Gabriel quand il était apparu pour la première fois dans les boutiques de la rue du Saint-Sacrement, — costume qui avait été complètement décrit par les journaux — furent réduits en miettes par ces nouveaux iconoclastes… Qu’auraient-ils laissé, ces sauvages, de tant de tableaux charmants et familiers qui font la joie de nos dimanches, si la police n’était enfin intervenue ?…

Dehors, c’étaient les messieurs en pardessus noir et au chapeau marron qui couraient le risque du martyre… Que de scènes grotesques qui faillirent tourner au tragique !… Le geste un peu bizarre de la personne la plus inoffensive donnait le signal de l’assaut !… Enfin, quand on ne faisait pas de geste du tout, on s’exposait à être déchiré !… Rappelez-vous !… Rappelez-vous !… Un assoupissement pouvait vous être fatal… Un monsieur qui s’était endormi dans un tramway et qui avait le malheur de ne pas ronfler était soudain secoué comme un panier par les voyageurs en délire qui lui criaient :

Parlez !… parlez !…

— Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? suppliait le pauvre homme, au comble de l’épouvante.

— Rien ! cela suffit !…

Tout de même, il était dangereux d’avoir, comme on dit, un « sommeil d’enfant ! »

Les jours suivants, l’affaire des piqûres prit des proportions fantastiques…

Il y eut dix, vingt, trente, cinquante piqués entre onze heures du matin et sept heures du soir, car l’événement se passait généralement dans les grands magasins, à l’heure de la pleine vente, quand la foule se presse devant les « occasions !… »