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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/160

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GASTON LEROUX

— Monsieur, dit Jacques en souriant, car il croyait que le père Achard se gaussait de lui, à la mode de ce terroir qui connaît et apprécie la plaisanterie rabelaisienne… monsieur, je vous souhaite une prompte guérison. En attendant, voici ce qui m’amène. Vous ne me reconnaissez pas, monsieur ?

Le père Achard le regarda et puis posa sa fourchette et sa cuiller, car il se servait des deux mains à la fois… et puis fronça les sourcils :

— Ah çà ! mais, fit-il, je ne me trompe pas… C’est bien vous qui êtes venu dîner à la maison le jour où nous avons enterré « l’empouse ? »

— Parfaitement, monsieur Achard, parfaitement. Vous y êtes.

— C’est vous qui étiez installé au château, continua l’autre en fronçant de plus en plus les sourcils, avec cette jeune fille qui avait été l’amie de la marquise ?

— Oui, monsieur Achard ! c’est cela même, et c’est avec cette jeune fille que je suis venu dîner chez vous. Vous la rappelez-vous, elle aussi !

— Si je… ah ! je crois bien que je… Je n’ai rien oublié de la nuit terrible, allez !… Tenez ! rien que d’y repenser, je sens que mon moral ref… le camp !…

Et il fit disparaître la seconde moitié de l’andouillette, d’un coup de dent formidable… Sur quoi, il vida d’une haleine une demi-bouteille de Vouvray, s’essuya le bec et considéra Jacques Cotentin avec une sorte de consternation mélancolique presque attendrissante !

— Qu’est-ce que vous voulez savoir ? demanda-t-il.

— Je voudrais savoir si cette jeune fille, vous l’avez revue ?… si elle est repassée par ici !…

Le père Achard poussa un soupir :

— Faut pas vous en faire, jeune homme !… Croyez-moi : les femmes, même les meilleures, c’est toujours