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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/159

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LA MACHINE À ASSASSINER
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une appétissante poularde de Tours qui tournait sur sa broche, dans la cheminée.

— Ah ! bah ! fit Jacques, qui n’était pas habitué aux « régimes » de ce pays de Cocagne, je vois que si vous avez été souffrant, cela va un peu mieux, mon bon monsieur Achard !…

— Euh ! euh ! répliqua l’autre en hochant la tête, je fais tout ce que je peux pour cela !… Je suis tout de même un peu inquiet !… Le docteur Moricet m’a plaqué là depuis vingt-quatre heures, et je suis bien obligé de me débrouiller tout seul !…

— Je vois que vous ne vous en tirez pas mal !…

— C’est mon régime, monsieur !… et bien que vous me sembliez à peu près bien portant, je vous offre volontiers de le partager. Tout l’honneur sera pour moi !…

Jacques s’assit en remerciant : il n’avait pas faim !…

— Il faudra « consulter », monsieur !… et surtout consulter le docteur Moricet !… Il n’y a pas deux médecins comme lui pour guérir ces maladies-là… Moi aussi je n’avais plus faim !… Eh bien, il m’a dit : « Faut manger, père Achard !… » Et je mange !…

— Mais qu’avez-vous donc ? demanda le prosecteur… vous avez une mine superbe !…

— Euh ! euh ! gémit l’autre en engloutissant une moitié d’andouillette fumante qui embaumait une platée de lentilles qu’on lui avait servie en guise de soupe… Euh ! euh !… il ne faut pas juger les gens sur la mine !… Ainsi moi, tel que vous me voyez là, eh bien, je suis très mal fichu !…

— Où souffrez-vous donc ?

Du côté, monsieur… du côté moral !

— Ah ! ah ! c’est le moral.

— Oui, monsieur, c’est le moral. Ah ! j’ai le moral très malade ! C’est le docteur qui l’a dit.