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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/175

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LA MACHINE À ASSASSINER
171

— Oh ! monsieur, vous allez vous trouver mal ! s’écria Mlle Denise.

Jacques était retombé sur sa chaise.

— Ce n’est rien, c’est la fatigue !…

Il but son bouillon lentement… Et en buvant, à petites gorgées, il avait un sourire plein d’amertume…

« Si je disais à Mlle Denise, pensait-il, que cette jeune personne ne tient si solidement ce jeune homme que dans la crainte de le voir tomber, événement qui donnerait lieu à une scène ridicule, peut-être serait-elle moins enthousiaste du spectacle auquel elle vient d’assister !… Le beau Gabriel n’a pas encore appris à se ramasser tout seul ! »

Très, très lamentable chose que l’amour ! Le génie de Jacques se réjouissait de n’avoir mis au monde qu’un être imparfait et en arrivait à se railler de sa propre impuissance, parce qu’il avait vu Christine sourire à son enfant sublime !…

Hélas ! hélas 1 c’était encore Mlle Denise qui avait raison !… Christine pouvait tenir le bras de M. de Beigneville solidement, elle ne l’en tenait pas moins tendrement…

Et Jacques le savait si bien que c’est sans allégresse qu’il prit, quelques instants plus tard, en dépit de sa fatigue immense et d’un moral accablé, le chemin suivi par « l’heureux couple », chemin qu’achevait de débarrasser une équipe de chasseurs alpins et au bout duquel il trouva le petit chalet à l’orée de la forêt de la Maïrise…

« Bénédict ou Gabriel, il lui faut toujours un refuge au fond des solitudes !… et avec des femmes !… » songeait le prosecteur. Et l’amoureux ajouta : « Oui… mais aujourd’hui celle-ci ne le fuit pas !… »

Jacques allait tourner le coin de la petite maison de bois quand il entendit la voix de Christine et s’arrêta net…