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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/19

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LA MACHINE À ASSASSINER
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qu’on me les paierait cher !… Je les ai chipés dans son buvard, la dernière fois que « j’ai fait » son bureau… C’étaient encore des vers pour la Christine, lisez !…

— Oh ! que c’est drôle ! s’écrièrent d’une même voix Mlle Barescat et Mme Camus.

En effet, Mme Langlois sortait de son sac un papier qu’elle dépliait et qui présentait des lignes inégales — preuve que c’étaient des vers — mais d’une écriture extraordinaire, faite de lettres énormes qui semblaient se combattre ou se confondre dans un chaos multicolore, car telle lettre était verte, telle autre rouge ou bleue, ou jaune, et il y avait autour de tout cela de fulgurants paraphes violets. Les manuscrits de Barbey d’Aurevilly, à côté de ceux-ci, étaient d’un enfant bien sage. Et ils lurent :

J’ai ramassé mes péchés… (les invités : ce n’est pas ce qui lui manquait !)… Je les ai mis devant moi et j’ai pleuré… (il pouvait ! il pouvait !)

Une caravane partait pour le ciel ; j’ai endossé mes péchés et je l’ai suivie. Mais un ange m’est apparu et m’a dit : « Où vas-tu si piteusement ? Avec ce fardeau dont tu es chargé, tu n’arriveras jamais au Paradis !

« Et l’ange Christine m’a aidé à le porter, cet horrible fardeau ! »

— Eh bien ! c’est du propre ! Il n’y a plus rien à dire !… conclut Mlle Barescat. Elle l’a aidé à aller en paradis ! compris !

— Et cette écriture, je la reverrai toute ma vie, proclama Mme Camus.

— C’est une écriture d’assassin !… prononça M. Birouste qui avait mis ses lunettes.

— Ah ! encore un mot ! dit Mme Langlois en rangeant précieusement son manuscrit… Vous savez que l’École de médecine a réclamé sa tête !…

— Oui ! on l’a dit dans les journaux !…