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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/200

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GASTON LEROUX

n’était pas allé directement aux Deux Colombes (suffisamment désignées dans l’article XXX), c’est qu’il hésitait à traîner avec lui dans cette expédition une jeune femme qui avait failli déjà être la victime de Georges-Marie-Vincent et de ses acolytes, et qui se trouvait particulièrement visée par l’horrible association…

Quand il crut que la jeune fille reposait, accablée par les fatigues d’un voyage terriblement précipité, il sortit du pavillon en évitant de faire le moindre bruit ; malheureusement, avertie par le secret instinct qui la liait à Gabriel, Christine ouvrit les yeux et ne se rendormit pas. Elle se leva, poussa la porte qui la séparait de la poupée, désireuse de la contempler une fois de plus dans son repos, comme il lui arrivait souvent, alors qu’elle guettait son réveil et le premier sourire de ses yeux…

Gabriel n’était plus là !…

Elle le chercha dans toute la maison !…

Où donc était-il le temps où, dans cette maison même, elle ne pouvait le voir sans effroi ? Maintenant, elle avait peur parce qu’il n’était point là !… et non point pour elle !… mais pour lui !…

Depuis son premier geste, il n’avait jamais fait un pas sans elle !… Jamais encore, quel que fût le drame, quelle que fût l’idylle, ils ne s’étaient séparés !… Pour qu’il l’eût abandonnée ainsi, quel était son dessein ?… Elle devina sa générosité et en gémit… Elle ouvrit la perte du rez-de-chaussée et lança un appel sourd dans la nuit blanche… « Gabriel ! Gabriel !… »

Et soudain, elle aperçut son ombre qui disparaissait au tournant du sentier conduisant à travers le bois aux Deux Colombes.

Alors, elle s’élança… Elle atteignit ce bois dont les troncs noirs, dénudés, semblaient avoir été dressés là comme des sentinelles pour l’empêcher de passer.

— Gabriel ! appela-t-elle une seconde fois.