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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/203

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LA MACHINE À ASSASSINER
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Des marches s’élevaient là, hautes et presque droites, comme les degrés de l’échelle de Jacob qui s’appuyait au ciel…

Soudain, les torchères ne répandirent plus qu’une sinistre lueur verdâtre… et toutes les figures allongées sur les lits, figures qui jusqu’alors étaient restées immobiles, se dressèrent comme autant de cadavres surgissant du tombeau.

Tous les yeux, gouffres d’ombre, étaient tournés vers le même sommet, dans l’attente de quelque chose qui, d’avance, faisait frémir d’horreur la chair impuissante de Christine.

Et, tout là-haut, la tapisserie où aboutissaient ces marches s’entr’ouvrit et l’on vit sur le trône d’or et de nuit la déesse de la mort.

Et Christine reconnut Dorga !…

Elle était belle et prodigieusement funeste, lointaine et redoutable comme Proserpine aux enfers !…

Tous les mythes se rejoignent à l’aurore du monde… Les mystères d’Éleusis, de Delphes, de Thèbes, de Babylone et de l’Inde la plus antique se rencontrent dans la même idée de la vie, qui sort de la mort comme le grain de blé germe au sein de la terre glacée dont il jaillira un jour de joie.

Cycle sacré dont il nous faut saisir tous les termes pour comprendre comment les religions, dans leurs manifestations premières, ont pu, au fond des sanctuaires, offrir aux initiés les spectacles les plus atroces et les plus voluptueux ! On glorifie la vie en sacrifiant à la mort… et voici les supplices ! Et la mort reconnaissante donne la joie et l’amour !…

Ainsi les plus basses passions se parent-elles de poésie et appellent-elles à leur secours les dieux et les déesses propices…

Ainsi Saïb Khan, le fameux médecin indien de l’avenue